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wouzit
25 septembre 2013

La mort et le mourant

la mort et le mourant

La Mort ne surprend point le sage ;
Il est toujours prêt à partir,
S'étant su lui-même avertir
Du temps où l'on se doit résoudre à ce passage.
Ce temps, hélas ! embrasse tous les temps :
Qu'on le partage en jours, en heures, en moments,
Il n'en est point qu'il ne comprenne
Dans le fatal tribut ; tous sont de son domaine ;
Et le premier instant où les enfants des rois
Ouvrent les yeux à la lumière,
Est celui qui vient quelquefois
Fermer pour toujours leur paupière.
Défendez-vous par la grandeur,
Alléguez la beauté, la vertu, la jeunesse,
La mort ravit tout sans pudeur
Un jour le monde entier accroîtra sa richesse.
Il n'est rien de moins ignoré,
Et puisqu'il faut que je le die,
Rien où l'on soit moins préparé.
Un mourant qui comptait plus de cent ans de vie,
Se plaignait à la Mort que précipitamment
Elle le contraignait de partir tout à l'heure,
Sans qu'il eût fait son testament,
Sans l'avertir au moins. Est-il juste qu'on meure
Au pied levé ? dit-il : attendez quelque peu.
Ma femme ne veut pas que je parte sans elle ;
Il me reste à pourvoir un arrière-neveu ;
Souffrez qu'à mon logis j'ajoute encore une aile.
Que vous êtes pressante, ô Déesse cruelle !
- Vieillard, lui dit la mort, je ne t'ai point surpris ;
Tu te plains sans raison de mon impatience.
Eh n'as-tu pas cent ans ? trouve-moi dans Paris
Deux mortels aussi vieux, trouve-m'en dix en France.
Je devais, ce dis-tu, te donner quelque avis
Qui te disposât à la chose :
J'aurais trouvé ton testament tout fait,
Ton petit-fils pourvu, ton bâtiment parfait ;
Ne te donna-t-on pas des avis quand la cause
Du marcher et du mouvement,
Quand les esprits, le sentiment,
Quand tout faillit en toi ? Plus de goût, plus d'ouïe :
Toute chose pour toi semble être évanouie :
Pour toi l'astre du jour prend des soins superflus :
Tu regrettes des biens qui ne te touchent plus
Je t'ai fait voir tes camarades,
Ou morts, ou mourants, ou malades.
Qu'est-ce que tout cela, qu'un avertissement ?
Allons, vieillard, et sans réplique.
Il n'importe à la république
Que tu fasses ton testament.
La mort avait raison. Je voudrais qu'à cet âge
On sortît de la vie ainsi que d'un banquet,
Remerciant son hôte, et qu'on fit son paquet ;
Car de combien peut-on retarder le voyage ?
Tu murmures, vieillard ; vois ces jeunes mourir,
Vois-les marcher, vois-les courir
A des morts, il est vrai, glorieuses et belles,
Mais sûres cependant, et quelquefois cruelles.
J'ai beau te le crier ; mon zèle est indiscret :
Le plus semblable aux morts meurt le plus à regret.

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24 septembre 2013

La Discorde

la discorde jdf

La déesse Discorde ayant brouillé les Dieux,
Et fait un grand procès là-haut pour une pomme,
            On la fit déloger des Cieux.
            Chez l'Animal qu'on appelle Homme
            On la reçut à bras ouverts,
            Elle et Que-si-Que-non, son frère,
            Avecque Tien-et-Mien, son père.
Elle nous fit l'honneur en ce bas univers
            De préférer notre hémisphère
A celui des mortels qui nous sont opposés,
            Gens grossiers, peu civilisés,
Et qui, se mariant sans prêtre et sans notaire,
            De la Discorde n'ont que faire.
Pour la faire trouver aux lieux où le besoin
            Demandait qu'elle fût présente,
            La Renommée avait le soin
        De l'avertir; et l'autre, diligente,
Courait vite aux débats et prévenait la paix,
Faisait d'une étincelle un feu long à s'éteindre.
La Renommée enfin commença de se plaindre
            Que l'on ne lui trouvait jamais
            De demeure fixe et certaine;
Bien souvent l'on perdait à la chercher sa peine.
Il fallait donc qu'elle eût un séjour affecté,
Un séjour d'où l'on pût en toutes les familles
            L'envoyer à jour arrêté.
Comme il n'était alors aucun couvent de filles,
            On y trouva difficulté.
            L'auberge enfin de l'Hyménée
            Lui fut pour maison assignée.

23 septembre 2013

L'oeil du maître

l'oeil du maître

Un Cerf, s'étant sauvé dans une étable à Boeufs,
            Fut d'abord averti par eux :
            Qu'il cherchât un meilleur asile.
Mes frères, leur dit-il, ne me décelez pas :
Je vous enseignerai les pâtis les plus gras ;
Ce service vous peut quelque jour être utile ;
            Et vous n'en aurez point regret.
Les Boeufs à toutes fins promirent le secret.
Il se cache en un coin, respire, et prend courage.
Sur le soir on apporte herbe fraîche et fourrage,
            Comme l'on faisait tous les jours :
        L'on va, l'on vient ; les Valets font cent tours,
        L'Intendant même et pas un, d'aventure,
            N'aperçut ni corps, ni ramures,
        Ni Cerf enfin. L'habitant des forêts
Rend déjà grâce aux Boeufs, attend dans cette étable
Que chacun retournant au travail de Cérès,
Il trouve pour sortir un moment favorable.
L'un des Boeufs ruminant lui dit : Cela va bien ;
Mais quoi l'homme aux cent yeux n'a pas fait sa revue.
            Je crains fort pour toi sa venue ;
Jusque-là, pauvre cerf, ne te vante de rien.
Là-dessus le Maître entre et vient faire sa ronde.
             Qu'est ceci? dit-il à son monde.
Je trouve bien peu d'herbe en tous ces râteliers ;
Cette litière est vieille : allez vite aux greniers ;
Je veux voir désormais vos Bêtes mieux soignées.
Que coûte-t-il d'ôter toutes ces Araignées ?
Ne saurait-on ranger ces jougs et ces colliers ?
En regardant à tout, il voit une autre tête
Que celles qu'il voyait d'ordinaire en ce lieu.
Le Cerf est reconnu : chacun prend un épieu ;
            Chacun donne un coup à la Bête.
Ses larmes ne sauraient la sauver du trépas.
On l'emporte, on la sale, on en fait maint repas,
            Dont maint voisin s'éjouit d'être.
Phèdre, sur ce sujet, dit fort élégamment :
            Il n'est, pour voir, que l'oeil du Maître.
Quant à moi, j'y mettrais encor l'oeil de l'Amant.

22 septembre 2013

L'ingratitude et l'Injustice des Hommes envers la Fortune

l'ingratitude et l'injustice des hommes envers la fortune

Un trafiquant sur mer, par bonheur, s'enrichit.
Il triompha des vents pendant plus d'un voyage:
Gouffre, banc, ni rocher n'exigea de péage
D'aucun de ses ballots; le sort s'en affranchit.
Sur tous ses compagnons Atropos et Neptune
Recueillirent leur droit, tandis que la Fortune
Prenait soin d'amener son marchand à bon port.
Facteurs, associés, chacun lui fut fidèle.

Il vendit son tabac, son sucre, sa canelle,
        Ce qu'il voulut, sa porcelaine encor:
Le luxe et la folie enflèrent son trésor;
            Bref, il plut dans son escarcelle.
On ne parla chez lui que par doubles ducats;
Et mon homme d'avoir chiens, chevaux et carrosses:
            Ses jours de jeûne étaient des noces.
Un sien ami, voyant ces somptueux repas,
Lui dit: « Et d'où vient donc un si bon ordinaire?
- Et d'où me viendrait-il que de mon savoir-faire?
Je n'en dois rien qu'à moi, qu'à mes soins, qu'au talent
De risquer à propos, et bien placer l'argent.»
Le profit lui semblant une fort douce chose,
Il risqua de nouveau le gain qu'il avait fait;
Mais rien, pour cette fois, ne lui vint à souhait.
            Son imprudence en fut la cause:
Un vaisseau mal frété périt au premier vent;
Un autre, mal pourvu des armes nécessaires,
            Fut enlevé par les corsaires;
            Un troisième au port arrivant,
Rien n'eut cours ni débits. Le luxe et la folie
            N'étaient plus tels qu'auparavant.
            Enfin ses facteurs le trompant,
Et lui-même ayant fait grand fracas, chère lie,
Mis beaucoup en plaisirs, en bâtiments beaucoup,
            Il devint pauvre tout d'un coup.
Son ami, le voyant en mauvais équipage,
Lui dit:« D'où vient cela? -De la fortune, hélas!
- Consolez-vous, dit l'autre, et s'il ne lui plaît pas
Que vous soyez heureux, tout au moins soyez sage.»

            Je ne sais s'il crut ce conseil;
Mais je sais que chacun impute, en cas pareil,
            Son bonheur à son industrie;
Et si, de quelque échec notre faute est suivie,
            Nous disons injures au Sort.
            Chose n'est ici plus commune.
Le bien, nous le faisons; le mal, c'est la Fortune:
On a toujours raison, le destin toujours tort.

20 septembre 2013

Le cygne et le cuisinier

le cuisinier et le cygne

 

Dans une ménagerie
De volatiles remplie
Vivaient le Cygne et l'Oison :
Celui-là destiné pour les regards du maître ;
Celui-ci, pour son goût : l'un qui se piquait d'être
Commensal du jardin, l'autre, de la maison.
Des fossés du Château faisant leurs galeries,
Tantôt on les eût vus côte à côte nager,
Tantôt courir sur l'onde, et tantôt se plonger,
Sans pouvoir satisfaire à leurs vaines envies.
Un jour le Cuisinier, ayant trop bu d'un coup,
Prit pour Oison le Cygne ; et le tenant au cou,
Il allait l'égorger, puis le mettre en potage.
L'oiseau, prêt à mourir, se plaint en son ramage.
Le Cuisinier fut fort surpris,
Et vit bien qu'il s'était mépris.
"Quoi ? je mettrois, dit-ilj un tel chanteur en soupe !
Non, non, ne plaise aux Dieux que jamais ma main
coupe
La gorge à qui s'en sert si bien! "

Ainsi dans les dangers qui nous suivent en croupe
Le doux parler ne nuit de rien.

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25 avril 2010

L'enfant et le maître d'école

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Dans ce récit je prétends faire voir
D'un certain sot la remontrance vaine.
Un jeune enfant dans l'eau se laissa choir,
En badinant sur les bords de la Seine.
Le Ciel permit qu'un saule se trouva,
Dont le branchage, après Dieu, le sauva.
S'étant pris, dis-je, aux branches de ce saule,
Par cet endroit passe un Maître d'école.
L'enfant lui crie : "Au secours ! je péris. "
Le Magister, se tournant à ses cris,
D'un ton fort grave à contre-temps s'avise
De le tancer : "Ah! le petit babouin !
Voyez, dit-il, où l'a mis sa sottise !
Et puis, prenez de tels fripons le soin.
Que les parents sont malheureux qu'il faille
Toujours veiller à semblable canaille !
Qu'ils ont de maux ! et que je plains leur sort ! "
Ayant tout dit, il mit l'enfant à bord.
Je blâme ici plus de gens qu'on ne pense.
Tout babillard, tout censeur, tout pédant,
Se peut connaître au discours que j'avance :
Chacun des trois fait un peuple fort grand ;
Le Créateur en a béni l'engeance.
En toute affaire ils ne font que songer
Aux moyens d'exercer leur langue.
Hé ! mon ami, tire-moi de danger :
Tu feras après ta harangue. 

24 avril 2010

L'Âne et le cheval

l_ane_et_le_cheval_blog


En ce monde il se faut l'un l'autre secourir.
Si ton voisin vient à mourir,
C'est sur toi que le fardeau tombe.

Un Âne accompagnait un Cheval peu courtois,
Celui-ci ne portant que son simple harnois,
Et le pauvre Baudet si chargé qu'il succombe.
Il pria le Cheval de l'aider quelque peu :
Autrement il mourrait devant qu'être à la ville.
La prière, dit-il, n'en est pas incivile :
Moitié de ce fardeau ne vous sera que jeu.
Le Cheval refusa, fit une pétarade :
Tant qu'il vit sous le faix mourir son camarade,
Et reconnut qu'il avait tort.
Du Baudet, en cette aventure,
On lui fit porter la voiture,
Et la peau par-dessus encore.    

             
21 avril 2010

L'ivrogne et sa femme

l_ivrogne_et_sa_femme
Chacun a son défaut où toujours il revient :
Honte ni peur n'y remédie.
Sur ce propos, d'un conte il me souvient :
Je ne dis rien que je n'appuie
De quelque exemple. Un suppôt de Bacchus
Altérait sa santé, son esprit et sa bourse.
Telles gens n'ont pas fait la moitié de leur course
Qu'ils sont au bout de leurs écus.
Un jour que celui-ci plein du jus de la treille,
Avait laissé ses sens au fond d'une bouteille,
Sa femme l'enferma dans un certain tombeau.
Là les vapeurs du vin nouveau
Cuvèrent à loisir. A son réveil il treuve (trouve)
L'attirail de la mort à l'entour de son corps :
Un luminaire, un drap des morts.
Oh ! dit-il, qu'est ceci ? Ma femme est-elle veuve ?
Là-dessus, son épouse, en habit d'Alecton (divinité infernale qui tourmente les âmes des enfers),
Masquée et de sa voix contrefaisant le ton,
Vient au prétendu mort, approche de sa bière,
Lui présente un chaudeau (boisson/bouillon) propre pour Lucifer.
L'Epoux alors ne doute en aucune manière
Qu'il ne soit citoyen d'enfer.
Quelle personne es-tu ? dit-il à ce fantôme.
- La cellerière (intendante) du royaume
De Satan, reprit-elle ; et je porte à manger
A ceux qu'enclôt la tombe noire.
Le Mari repart sans songer :
Tu ne leur portes point à boire ?

19 avril 2010

Le loup et l'agneau

le_loup_et_l_agneau

       
La raison du plus fort est toujours la meilleure:
Nous l'allons montrer tout à l'heure.
Un Agneau se désaltérait 
Dans le courant d'une onde pure.
Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.
Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
- Sire, répond l'Agneau, que votre Majesté
Ne se mette pas en colère;
Mais plutôt qu'elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant,
Plus de vingt pas au-dessous d'Elle,
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.
- Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
Et je sais que de moi tu médis l'an passé.
- Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né?
Reprit l'Agneau, je tette encor ma mère.
- Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.
- Je n'en ai point.
- C'est donc quelqu'un des tiens:
Car vous ne m'épargnez guère,
Vous, vos bergers, et vos chiens.
On me l'a dit : il faut que je me venge.
Là-dessus, au fond des forêts
Le Loup l'emporte, et puis le mange,
Sans autre forme de procès.
8 janvier 2010

La mort et le bûcheron

le_vieillard_et_la_mort

Un pauvre bûcheron, tout couvert de ramée,
    Sous le faix du fagot aussi bien que des ans
    Gémissant et courbé, marchait à pas pesants,
    Et tâchait de gagner sa chaumine enfumée.
    Enfin, n'en pouvant plus d'effort et de douleur,
    Il met bas son fagot, il songe à son malheur.
    Quel plaisir a-t-il eu depuis qu'il est au monde ?
    En est-il un plus pauvre en la machine ronde ?
    Point de pain quelquefois, et jamais de repos.
    Sa femme, ses enfants, les soldats, les impôts,
                  Le     créancier et la corvée
    Lui font d'un malheureux la peinture achevée.
    Il appelle la Mort ; elle vient sans tarder,
                   Lui     demande ce qu'il faut faire.
                       C'est, dit-il, afin de m'aider
    A recharger ce bois ; tu ne tarderas guère.

                          Le trépas vient tout guérir ;
                          Mais ne bougeons d'où nous sommes :
                          Plutôt souffrir que mourir,
                          C'est la devise des hommes.

-La fontaine-

   
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